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Lutte contre la périlleuse émigration clandestine: un combat qui interpelle toutes les consciences

Lutte contre la périlleuse émigration clandestine: un combat qui interpelle toutes les consciences

L’émigration, un mal du Sénégal, parce que des jeunes du pays prennent les embarcations de façon irrégulière. Le phénomène est si accentué ces derniers jours, parce qu’il a coûté la vie à de nombreux candidats. Un mal des temps modernes qui exige des solutions idoines et durables. Car il y va du devenir de l’Afrique, en général, et de ses rapports avec l’Occident.  Un douloureux et grandissant phénomène qui endeuille crescendo.

Découragés, sans espoirs, des jeunes quittent de plus en plus et à leurs risques et périles le pays pour l’Europe, via l’Espagne.

Le phénomène touche l’Afrique de l’Ouest, endeuillant de manière exponentielle des familles sénégalaises. Partout le long de leur périple périlleux, ces jeunes « aventuriers » vivent la galère ; au risque souvent de leur dignité, voire de leur vie. Celles et ceux qui se lancent sur les chemins incertains de l’exil le font d’abord par désespoir de ne pas pouvoir s’épanouir, voire trouver un travail décent, dans leur pays natal. Hélas, en cours de route comme à l’arrivée, c’est la détresse qui les accompagne ou attend.

Des cause multiformes

A l’origine de leur obsession à gagner les rives de l’Europe : la pauvreté, la recherche d’un travail ou simplement l’espoir d’une vie meilleure. Ils sont des millions de personnes à s’exiler dans l’espoir de trouver une meilleure vie.

« C’est un fait banal, une obsession des jeunes, un phénomène qui prend une allure, qui dépasse le monde. Cela mérite une réflexion approfondie » explique un enseignant travaillant à l’Université de Dakar. A l’en croire, il faut noter que les jeunes ont perdu leurs repères, la patience, tout espoir de réussir ou de trouver un emploi significatif dans chez eux

Un « l’extrémisme » que notre interlocuteur, qui a requis l’anonymat, tente d’expliquer : « emprunter une embarcation à haut risque, trouver un emploi peu importe lequel, l’essentiel c’est de travailler et d’obtenir un gain ou périr purement et simplement en plein océan ». Cet enseignant au département de Sociologie fait aussi constater « qu’il y’a une crise d’autorité, la crise de référence ». Selon lui, les valeurs sont, maintenant, bafouées. Avant d’ajouter que « cette jeunesse ne croit plus à l’autorité publique ». Il se souvient déjà qu’en 1988, un analyste politique français disait : « Ce mouvement du changement appelé « Sopi » en Wolof dépasse aussi bien la personnalité de l’opposant à l’époque Maître Abdoulaye Wade que celle du président Abdou Diouf ». Fin de citation. Notre interlocuteur de poursuivre : « il faut en déduire que nous sommes assis sur une bombe qui peut éclater à tout moment ».

Selon lui, cette jeunesse comprend que l’argent du contribuable est mal géré, le fils de l’autorité qui exerce une fonction dans le gouvernement est tout le temps dans les airs, entre deux avions.

Par contre, dit-il, de l’autre côté, c’est la misère, la catastrophe, la calamité.

Par conséquent, il invite l’autorité publique à tenir un discours-programme, franc et sérieux, pour rassurer cette jeunesse en perdition. Il faut lui parler sans langue de bois, poser des actes clairs, discuter et échanger avec elle, définir un tableau de bord lisible. En plus, il exhorte à privilégier la communication. Mieux, tient-il, à préciser, le soubassement de ce fléau c’est la pauvreté qui monte en Afrique. C’est pourquoi des familles vont jusqu’à racler toutes leurs ressources financières, dans l’objectif de propulser un de leurs enfants vers une aventure incertaine qui peut se solder par la réussite ou la mort (« Barça ou Barsax », comme on dit en langue Wolof). Malheureusement au bout du compte, c’est souvent l’amertume comme en témoigne NogayeFall, une mère de famille habitant la banlieue Dakaroise. Elle a perdu son fils dans ce fléau. « Les enfants n’ont plus d’espoir avec le gouvernement », explique-t-elle. Notre interlocutrice se plaint du gouvernement sénégalais qui, d’après elle a totalement échoué dans sa politique de jeunesse. Elle invite l’Etat à créer et décentraliser les usines un peu partout au Sénégal.

« C’est le lieu de rappeler à tous nos compatriotes que les passeurs qui leurs promettent la belle vie en Europe ne sont motivés que par le gain » explique de son côté, le secrétaire d’Etat aux sénégalais de l’extérieur, Moise Sarr. Selon lui, quand le président MackySall est arrivé au pouvoir, ce phénomène avait diminué grâce aux multiples initiatives  mises en place depuis lors pour accompagner, financer et former les jeunes. A l’en croire, ces passeurs sont en train de faire des vidéos pour faire croire que ces voyages ne comportent aucun risque. Ce qui est absolument faux. En conséquence, « il faut les dénoncer et les traquer », tonne Moise Sarr, le secrétaire d’Etat auprès des Sénégalais de l’Extérieur.

Une précarité dans les familles

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La pauvreté n’est pas celle où ils se trouvent eux-mêmes, au moment où ils se sont mis en tête d’émigrer, de partir. C’est plutôt celle qu’ils craignent ; c’est-à-dire un ensemble d’appréhension, d’inquiétude sur l’avenir, de précarité, d’absence de vision, de plus en plus souvent d’espoir. C’est plutôt une pauvreté de la famille dont la plupart des membres ne travaillent pas.   La pauvreté naît aussi des attentes : espoirs de ces mêmes parents, de cette même famille qui souhaite que l’enfant, le fils, la fille ou le cousin parte au plus vite, pour s’enrichir rapidement.

La migration individuelle: un projet de groupe

Aujourd’hui, un projet de migration, même pensé et exécuté individuellement, est d’abord un projet de groupe, de famille ou de tribu. C’est-à-dire quelque chose de réfléchi, mûri et préparé longtemps à l’avance. L’échec, par refus de partir au dernier moment, ou par obligation de retourner une fois qu’on est parti, y est perçu comme une défaite, une sorte d’infamie pour la personne de candidat à l’émigration non parti et pour son groupe familial.

Le débat est ainsi posé. Mais pour sûr, voyager est certes un droit ; mais le faire clandestinement à bord de pirogues artisanales c’est vendanger sa vie. Ce qui est une obsession que l’on peut qualifier de suicidaire, comme l’a qualifié, tout récemment, le Khalife général des Mourides.  

Ainsi donc la lutte contre l’émigration clandestine est un combat qui incombe à tous : autorités (publiques, religieuses et traditionnelles), société civile, parents, etc.

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